Editorial du 22/10/21
Trouver le bon mot pour dire sa pensée au plus juste, et pour être compris, c’est le défi hebdomadaire que nous nous lançons à Culture 5. Rien à voir avec Sisyphe qui lui ne faisait qu’une grimpette quotidienne sur son mur d’escalade. Et en général, c’est pas l’tout de trouver le bon mot. L’important c’est aussi de savoir QUI le dit, à QUI on l’adresse, et surtout QUI l’entend.
Exemple : « la crise sanitaire nous a beaucoup fait souffrir ». Dit par une patronne du CAC 40, le mot « souffrir » n’a probablement pas le même contenu que pour une infirmière de réanimation.
« Il faudra faire des efforts pour améliorer notre situation économique ». Ok Bruno ! On y va ! Mais de quels efforts parles-tu ? Parce que pour Marie, Myriam ou Meriem, techniciennes de surface dans les ferries, quelque part du côté des quais de Ouistreham, c’est pas la même chanson.
« Il faut avoir de l’ambition », « garder la passion du métier » : pour un chômeur ça veut dire quoi ?, « avoir le courage de ses opinions » : quand on est militant LGBT en Biélorussie, c’est pas sans conséquence. « Nous devons rembourser nos dettes », c’est vrai, qui paye ses dettes s’enrichit ! Allez dire ça à quelqu’un qui aimerait bien pouvoir s’endetter !
On pourrait décliner à l’infini, toutes les situations où notre langage n’a de valeur, de pertinence et de sincérité que si notre interlocuteur peut le comprendre. A la radio, c’est un casse tête. Par définition, on ne sait pas à qui on s’adresse. On n’est jamais sûr de rien. Alors, comment s’en sortir ?
Je ne vois qu’une issue : pratiquons l’art de la nuance et nous aurons une chance de rendre notre langage intelligible. Proscrivons les phases toutes faites qui débitent des vérités qui n’en sont pas !
Exemple : si j’affirme que Monsieur Z est un fasciste, je ne fais pas dans le camaïeux des opinions et on pourrait légitimement me le reprocher. D’accord. Alors je vais nuancer cette affirmation en disant que Monsieur Z est un… néo fasciste.
C’est mieux, non ?
Bernard LAURENT