La vérité (ne) sort (pas toujours) de la bouche des enfants.
Lundi 5 octobre, France 2 a diffusé le premier épisode d’une série intitulée « le Mensonge », avec Daniel Auteuil dans le rôle principal. Ce téléfilm écrit et réalisé par Vincent Garenq s’est librement inspiré du livre éponyme et autobiographique de l’ancien maire de Vence, Christian Iacono.
Christian Iacono a vu sa vie basculer après des accusations de viol par son petit fils alors âgé de 9 ans. Nous sommes dans les années 2000. La machine policière et judiciaire se met en route. Plainte, enquête, témoignages à charge, arrestation, garde à vue, procès aux assises et condamnation à la prison. Condamnation confirmée en appel. Quinze ans après les accusations portées contre son grand-père, le petit fils, adulte désormais, se rétracte et confesse son mensonge. Procès en révision (très rare en droit français) et finalement acquittement. Au bout de cette histoire : une famille déchirée, un grand-père détruit, et un petit fils qui essaie de se reconstruire.
Autre cas, Loïc Sécher. Il a passé 16 ans en prison où en plus de la privation de liberté, il a subi les pires outrages. L’histoire : Emilie, une enfant de son entourage, l’avait accusée de viols répétées. Finalement elle se rétracte et avoue son mensonge. Toute l’accusation reposait sur les dires de la jeune fille. Aucune analyse ADN, ni aucune confrontation entre la victime et son agresseur n’avaient eu lieu. Procès en révision, acquittement et une fois encore, une vie détruite.
Voilà deux exemples, mais il y en a beaucoup d’autres, où bien sûr il y a eu une défaillance de la justice, une défaillance criminelle, mais ces ratés judiciaires ont été possibles à cause de cette propension à sacraliser la parole de l’enfant. Merci Françoise Dolto ! J’aurais l’occasion d’y revenir. Ainsi, dans le domaine de la pédocriminalité, quand l’émotion devient une opinion qui se transforme à son tour en vérité et quand cette « vérité » relayée par la rumeur débouche sur une condamnation, nous sommes aux jeux du cirque où un pouce levé ou abaissé par le peuple décidait de la vie ou de la mort.
Autant je n’accablerai jamais un enfant qui se laisse envahir par son propre mensonge (les explications sont pour chaque cas tellement intimes et complexes, de la manipulation par des parents, aux règlements de compte intra familiaux, en passant la construction de faux faux souvenirs etc) autant il me semble important de dénoncer les jugements quand ils sont fondés sur l’émotion (qui peut-être légitime), ou sur l’opinion que l’on se forge à partir de ce que nous dit la Vox Populi.
Vox Populi, Vox Dei ? La Voix du peule, c’est Voix de Dieu !… Quand il est question de démocratie, oui, bien sûr. Mais quand cette Voix du Peuple est relayée par la rumeur, alors là le danger est extrême et peut conduire des accusés à tort aux pires extrémités. Souvenons-nous du suicide de condamnés finalement innocentés dans l’affaire d’Outreau !
Aucune dénonciation, aucune rumeur, aucune accusation ne saurait s’ériger en jugement. Devant les crimes les plus atroces, les plus dégradants, et je pense en particulier à ceux relevant de la pédocriminalité, nous avons le devoir de ne diffuser aucune information qui n’ait été auparavant authentifiée, vérifiée, et dont les sources sont certaines.
A l’époque actuelle des réseaux sociaux, n’importe qui pouvant désormais se prendre pour un (mauvais) journaliste en diffusant et relayant n’importe quoi, et bien comportons nous en vrais journalistes en n’oubliant jamais que :
la vérité (ne) sort (pas toujours) de la bouche des enfants… et que la fumée sans feu, ça existe !
Bernard LAURENT