Noël 1962, Noël 2020
Permettez aujourd’hui que je vous parle des noëls de mon enfance. Il y avait bien sûr les cadeaux au pied du sapin enguirlandé. Ils étaient d’autant plus merveilleux qu’ils étaient encore dans leurs paquets enrubannés. Le bonheur, c’était surtout quand on les ouvrait. Ensuite, quel enfant n’a pas ressenti, plus ou moins, cette petite déception quand il mesure la distance qui sépare le rêve de la réalité. La générosité des parents n’est pas toujours récompensée et les cadeaux ne font pas toujours des heureux.
A présent que je suis grand-père et si je convoque les souvenirs de ce temps-là, c’est le repas du 25 décembre 1962 qui surgit en premier.
Toute la famille était là, enfin presque toute, mais il y avait suffisamment de monde pour garnir la table de la salle à manger mais sans les rallonges et ça rendait les parents soucieux. Je ne comprenais pas bien pourquoi.
Le menu ? Le même que les autres années et les enfants, comme à l’accoutumé, n’étaient pas absents de sa fabrication. Commençons par le « plum pudding ». Ma grand-mère était anglaise. Depuis la veille on s’affairait à sa confection. Avec mes frères, on mélangeait dans une grande bassine les fruits confis bien collants à du suif de bœuf bien gras. On se relayait pour touiller avec une grande cuiller en bois ce qui ressemblait à du béton et c’était à celui qui résisterait le plus longtemps aux crampes provoquées par le malaxage de cette mixture peu ragoutante. Mais, on savait déjà que le résultat de nos efforts serait merveilleux. Après une nuit de repos, cette pâte multicolore était cuite à la vapeur plusieurs heures avant d’arriver sur la table commune au moment du dessert. Alors, cette grosse boule chaude et brune au parfum de cannelle, parsemée de fruits plus ou moins exotiques et couronnée d’une feuille de houx, était copieusement arrosée de rhum que mon père faisait flamber sous nos applaudissements.
Avant l’étouffe chrétien britannique, il y avait eu le pâté en croûte de mon grand père. Une recette auvergnate, comme ses origines. Les enfants, nous étions chargés de découper, depuis tôt le matin, des morceaux de viande de toute sorte et de les mélanger à des ingrédients odorants et mystérieux . C’était franchement répugnant, mais nous savions qu’après quelques heures de cuisson, arriverait sur la table Le pâté, encore guindé dans son moule métallique, et qui laisserait échapper par deux petites cheminées creusées à sa surface, un fumet d’autant plus remarquable qu’il faudrait attendre le Noël prochain pour de nouveau s’en inonder le nez et s’en saturer les papilles.
Entre ce pâté auvergnat et le « plum pudding », il y avait eu bien sûr le Couscous ! mais je n’en dirais rien. Tout simplement parce que c’était le couscous de ma mère et qu’aucun qualificatif ne saurait le décrire sans le trahir vu que de toute éternité le couscous de ma mère sera toujours le meilleur des couscous !
Voilà en très raccourci les souvenirs de ce Noël 1962. C’était dans un pays et à une époque où le confinement s’appelait le couvre-feu que des militaires en armes faisaient respecter. Dans ces circonstances, la famille était réduite à son minimum, et les cadeaux étaient devenus bien accessoires. Le vieux monsieur que je suis à présent en garde la douce nostalgie d’un moment merveilleux, partagé, chaleureux et rare. Puisse cette évocation toute personnelle nous soulager de la culpabilité d’avoir, en 2020, un Noël pas comme les autres. Il se peut, si nous sommes attentifs, que dans longtemps les souvenirs de nos enfants devenus adultes n’en soient que plus beaux.
La vie est belle !
Bernard LAURENT
Messages
1. émission du 27 novembre 2020, 28 novembre 2020, 11:50, par APG
Merci de nous faire partager cette délicieuse Madeleine sonore.
C’est que du bonheur !